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Picasso et le processus créatif
Riche expo « Picasso. Sculptures » au BOZAR, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. 80 pièces exceptionnelles du maître espagnol nous permettent une nouvelle fois de découvrir le génie de Picasso et de nous interroger sur le processus créatif chez l’être humain.
De l’une de ses toutes premières sculptures – « Femme se coiffant » en 1906, Picasso à 25 ans alors – à ses œuvres de vieillesse (mais peut-on parler de « vieillesse » chez Picasso, tant son talent semblait rajeunir au fil du temps) telle que « Femme aux bras écartés » datant de 1961. Picasso a quatre-vingts ans alors et une expression créatrice d’une extraordinaire fraîcheur et légèreté.
En sortant de cette exposition, dont ce lundi 6 mars 2017 est le dernier jour, trois impressions fortes s’imposaient à moi.
Premièrement, l’incroyable liberté qui a habité Picasso toute sa vie. Bien que n’ayant jamais été formé à la sculpture, il invente sans contrainte dans cet art qui n’est pas le sien. Tous les matériaux nobles, ainsi que ceux de la vie quotidienne, sont bons pour la création : bois, fer, brique, tuile, pièces quelconques de quincaillerie, céramique, bronze, bien sûr. Sa grande affaire, c’est le corps humain, bien sûr, et en particulier celui de la femme. Il lui donna plus de formes, de variations, de déclinaisons que n’importe quel autre artiste de l’histoire. Son rapport à la représentation de la figure humaine est d’une richesse et d’une liberté compulsive qui ne connaît ni limite ni contrainte ni pudeur. Seule l’exploration des possibles sous toutes leurs dimensions l’intéressait.
Deuxièmement, la diversité extraordinaire de l’œuvre de Pablo Picasso, et ici celle de ses sculptures, donne à voir ce que devait être l’étendue de l’imaginaire picassien. Probablement que le créateur de la fameuse « Tête de Taureau » (1942) simplement constituée d’une sobre selle de vélo et d’un guidon avait une capacité extraordinaire à associer images, objets divers, styles, impressions, sentiments et humour les uns avec les autres. Picasso combine, marie, associé, réuni, désuni, incorpore, plaque, agrège sans fin ce qui lui passe par la tête et par les mains. Et son génie multiple et généreux s’attache à transformer le tout en une œuvre simple, troublante et unique. Souvent inoubliable.
Et troisièmement que dire de l’impressionnante capacité de Picasso à se laisser inspirer par autrui pour avancer dans son propre travail créatif. Picasso aime découvrir les œuvres des grands maîtres anciens et contemporains. Il apprécie la compagnie d’artisans talentueux. Il se prend facilement au jeu de la co-création avec des artistes de son temps, comme le sculpteur catalan Julio Gonzalez qui lui apprit le travail du fer ou avec l’Atelier Madoura à Vallauris où il se plongea avec frénésie dans le travail de la céramique de 1947 à 1953 avec le maître-tourneur Jules Agard. Cette proximité avec d’autres talents, souvent très différents de lui, nourrissait Picasso. Elle lui permettait d’aller au-delà de ses propres frontières, de remettre en cause ses manières de faire, de voir, de penser et de créer.
En sortant de cette expo « Picasso. Sculptures », on comprend que Picasso consacra son existence à agrandir ses territoires d’expression artistiques. Et ils étaient nombreux. Il ne voulait rien ignorer, rien négliger, rien minimiser de ce qui lui permettrait de découvrir les faces cachées de l’âme et du corps humains. Pour notre plus grand plaisir, aujourd’hui encore quarante-quatre ans après son décès à Mougins en 1973. Picasso décédé ? Non, toujours là, plus présent que jamais !
Michel Guérard et la vie
Dans la dernière émission de LA GRANDE LIBRAIRIE, le Chef étoilé Michel Guérard – auteur du récent livre MOTS & METS – déclarait que “si on n’est pas fou à quoi bon vivre. Il faut de la folie“.
L’acte créateur se nourrit aussi d’un zeste de folie : remettre en question l’évidence, renoncer à certaines habitudes bien ancrées, oser aller là où l’on a jamais été, émettre des hypothèses a priori farfelue, etc. A chacun de choisir son type de folie et d’ouvrir l’éventail selon ses souhaits, son tempérament et ses rêves.
Belle journée folle à vous,
A voir : LA GRANDE LIBRAIRIE, 02.03.17
Les oxymores du week-end
Chaque week-end découvrez cinq oxymores de mon cru, ainsi que les perles oxymoriques pêchées dans la presse nationale et internationale. Un oxymore est la juxtaposition de deux mots ou deux propositions apparemment contradictoires. Par exemple, un petit géant.
- Une plénitude médiocre
- Une ligne claire abstraite
- Une tristesse sémillante
- Une télévision non-commerciale
- Les oxymores expriment les lourdes légèretés de notre existence
Quelques gouttelettes de rêves …
Que du bonheur que le nouveau livre du grand chef Michel Guérard. Avec “Mots & Mets”, ce maître de la cuisine française – auteur d’un best-seller “La cuisine gourman
de” publié en 1977 l’année où il conquit sa troisième étoile au Michelin -, nous offre un abécédaire d’appétit on ne peut plus gourmand, ainsi que de drôles de recettes : il y a même la recette de “la béarnaise sans péché” et celle du “poulet de l’académicien“, vert comme il se doit. Ce poulet se déguste volontiers avec des … “frites molles de Dali” (lire la recette pages 78-79). Guérard a toujours été un créatif, un précurseur. Là il nous étonne encore et toujours.
L’ouvrage se termine par cette phrase de ce chef et auteur d’exception : “Le bonheur, tout compte fait, ce ne sont que quelques gouttelettes de rêve avec lesquelles on s’asperge chaque matin … à condition, bien sûr, d’en avoir toujours un flacon sur soi”*.
Il me semble qu’il n’y rien de plus important que ces quelques gouttelettes de rêve pour bien commencer la journée. Et de les partager avec les personnes qu’on aime.
* GUERARD Michel, Mots & Mets, Paris, Seuil, 2017, page 144.
Les oxymores du week-end
Après quelques semaines de mise en jachère de ma démarche oxymorique, voici les nouveaux oxymores de l’année.
1991. Un gros petit pois
1992. Un acharnement distant
1993. Un objectif subjectif
1994. Une banalité magistrale
1995. Une inconstance permanente
LES OXYMORES DANS LA PRESSE
“Des mensonges qui disent toujours la vérité” selon l’auteur italienne à succès Elana Ferrante. Cité par LE POINT, le 19.01.17, p.76.
AU dernier Salon Maison & Objet “le silence fait grand bruit. (…) L’art de vivre et le style s’offrait une cure de silence”. In L’OBS, le 26.01.17, p.15 et pp. 106-107.